À l’âge de 24 ans seulement, Maxim Fortin réalise des rêves de mobilité internationale généralement réservés à des ingénieurs beaucoup plus expérimentés. Cet été, il se trouvait à Haïti afin de collaborer à l’inventaire des infrastructures d’eau potable visant à donner priorité aux efforts de reconstruction de ce pays dévasté.
L’international, ça se cultive !
Par Jean-François Barbe
Publié le 01/09/2012
Les firmes de génie québécoises sont très actives hors des frontières. La mobilité internationale fait donc partie du parcours obligé d’un grand nombre d’ingénieurs d’ici. Une fibre que les étudiants ont tout intérêt à développer dès l’université.
Le Canada est le troisième exportateur de services d’ingénierie dans le monde après les États-Unis et le Royaume-Uni, selon Ingénieurs Canada, et son expertise est reconnue à l’échelle internationale.
Pourtant, contrairement à leurs homologues européens, les étudiants québécois en génie ne sont pas tenus de faire un stage à l’étranger durant leurs études.
« La mondialisation accroît les échanges. Il n’y a pas que les Cascades et les Bombardier de ce monde qui ont besoin de jeunes ingénieurs pouvant se débrouiller à l’étranger ! » estime Dominique Lefebvre, professeur à la Faculté de génie et vice-doyen au développement et à la formation continue de l’Université de Sherbrooke. « Nos étudiants devraient donc songer à faire un stage dans un autre pays ou à tout le moins une session de cours à l’extérieur du Québec. »
Car les stages à l’étranger permettent de développer deux qualités essentielles à l’ingénieur : la débrouillardise et la capacité d’adaptation dans des milieux de travail de plus en plus multiculturels.
David Albertson, étudiant en génie logiciel à l’École Polytechnique de Montréal, a fait un stage cet été au siège social de Microsoft à Redmond, près de Seattle.
« Dès le premier jour, j’ai été plongé dans un contexte de travail supervisé, avec des tâches et des échéanciers définis. Il y avait de la pression. Disons que je n’étais pas là pour faire le café ou pour aller à la plage ! » témoigne-t-il.
Nicolas Pellerin, qui fréquente le même établissement, a participé quant à lui à la construction d’une nouvelle usine près de Lyon, en France, au sein de la multinationale italienne Mapei.
« On m’a choisi pour contribuer à l’installation de nouvelles machines. Il fallait être performant tout de suite », dit l’étudiant en génie industriel.
Les deux étudiants envisagent maintenant de poursuivre des carrières au sein de ces grandes entreprises.
Utile aussi au Québec
Même s’ils décident un jour de travailler au Québec, ces deux jeunes ont vécu une expérience qui aura tout de même porté ses fruits, affirme Allan Doyle, directeur du service des stages et du placement de l’École Polytechnique de Montréal.
« Les ingénieurs font de plus en plus affaire avec des partenaires, des clients et des fournisseurs situés sur d’autres continents. Il faut savoir communiquer », dit-il.
Deux autres arguments de poids en faveur de la mobilité internationale : « Les ingénieurs font souvent partie d’équipes de travail multiculturelles. Effectuer un stage à l’étranger rend plus souple face au compromis », constate Annick Corbeil, coordonnatrice à la mobilité et aux partenariats internationaux à l’École de technologie supérieure.
David Albertson et Nicolas Pellerin peuvent en témoigner, puisque leur stage leur a permis de s’ouvrir à la diversité. « À Redmond, il n’est pas rare de se sentir en minorité. On côtoie beaucoup d’Indiens et de Chinois, et bon nombre de Japonais et d’Européens », dit David Albertson.
« Au chantier, les employés viennent d’un peu partout en Europe. On doit s’adapter à différentes façons de travailler », ajoute Nicolas Pellerin.
Selon Jean Poirier, conseiller au service de placement de l’Université Laval, ces savoir-faire n’échappent pas aux employeurs.
« Ces étudiants ont démontré de grandes capacités d’initiative et d’adaptation. C’est un plus dans leur CV », assure-t-il.
Se tester hors des frontières
Pourquoi les étudiants québécois en génie sont-ils si peu enclins à élargir leurs horizons ? Trop choyés, peut-être… En effet, les finissants trouvent facilement du travail au Québec ; par conséquent, la pression de se « tester » hors des frontières est moins grande qu’en Europe, estime Allan Doyle.
Il faut ajouter à cela le peu d’importance accordée à la mobilité internationale à l’intérieur des programmes d’études en ingénierie. « On n’en demande pas assez à nos étudiants. Dans nos programmes, il n’y a pas d’exigences précises en faveur de cette mobilité », déplore Dominique Lefebvre, de l’Université de Sherbrooke.
Un stage chez Apple ?
Toutefois, il ne s’agit pas d’un phénomène uniquement québécois, mais nord-américain. « C’est encore pire dans les facultés d’ingénierie du Canada anglais », estime M. Lefebvre.
À l’heure actuelle, une vingtaine d’étudiants de l’École Polytechnique de Montréal font des stages à l’étranger. C’est peu par rapport aux quelque 1 200 stages annuels recensés à l’échelle de l’établissement, mais c’est déjà beaucoup plus qu’il y a trois ans, alors qu’on n’en trouvait presque aucun.
Fait intéressant, les étudiants québécois en génie tentés par ce type d’expérience peuvent bénéficier d’une demande croissante à l’échelle nord-américaine. « On manque d’ingénieurs en Alberta et dans les pays producteurs de pétrole. Et on sous-estime la pénurie grandissante d’ingénieurs aux États-Unis. Conséquence : de grandes firmes comme Apple manifestent leur intérêt à accueillir des stagiaires québécois », indique M. Doyle.
Bref, la situation n’a jamais été si bonne pour les apprentis ingénieurs qui veulent voir du pays.
Deux ingénieurs globe-trotters
Étudiant en génie logiciel, Philippe Marceau voulait travailler pour de grandes organisations. Aujourd’hui, mission accomplie : il passe le plus clair de son temps dans les bureaux parisiens des géants bancaires français Société Générale, BNP Paribas et Natixis. « Étant donné leurs nombreuses filiales à l’étranger, je parle à des gens situés aux quatre coins de la planète », dit l’ingénieur logiciel de 29 ans.
Embauché dès sa sortie de l’École de technologie supérieure en 2007 par Planaxis, un spécialiste québécois de la messagerie financière, Philippe Marceau traverse alors l’Atlantique. Il s’établit dans la capitale française et devient consultant en messagerie bancaire.
Il a depuis changé d’employeur, car la filiale française de Planaxis a été rachetée par Alti, une société-conseil informatique française.
Selon lui, son parcours de formation l’a préparé à relever ce défi.
C’est aussi ce qui lui aurait permis d’attirer l’attention du recruteur de Planaxis. « Lorsque j’étais étudiant en génie logiciel, j’ai passé deux sessions à l’étranger, à San Jose et à Albuquerque. De plus, j’ai fait mes stages chez Motorola, Lockheed et Exfo, des entreprises aux ramifications internationales. Ce parcours m’a probablement ouvert les portes de Planaxis », dit-il.
Mais attention ! « Travailler à l’étranger, ce n’est pas l’équivalent de participer à un club de vacances. Il faut connaître son domaine à fond et prendre les moyens de devenir très bon ! » prévient Philippe Marceau.
Demain, l’Afrique
À l’âge de 24 ans seulement, Maxim Fortin réalise des rêves de mobilité internationale généralement réservés à des ingénieurs beaucoup plus expérimentés. Cet été, il se trouvait à Haïti afin de collaborer à l’inventaire des infrastructures d’eau potable visant à donner priorité aux efforts de reconstruction de ce pays dévasté.
Dès l’automne, il devrait être en Afrique en vue de collaborer à un projet d’amélioration en approvisionnement d’eau potable. « Je savais, depuis mon adolescence, que je voulais aider des gens qui vivent dans des pays ayant de grands besoins. C’est pourquoi j’ai choisi le génie des eaux à l’Université Laval », explique-t-il.
Pendant ses études, Maxim Fortin a été bénévole pour Ingénieurs sans frontières Canada.
Il a notamment participé à des campagnes de financement et à des activités de sensibilisation, et a même été président, pendant deux ans, de sa section. Cette implication, Maxim Fortin la qualifie de « décisive ».
« Sans cette expérience, je n’aurais jamais été embauché. Et je n’aurais pas été à Haïti avec d’autres ingénieurs ! » dit celui qui a été embauché dès l’obtention de son diplôme, en 2011, par Cowater International, une firme de consultants en développement international établie à Ottawa.
Lien internet vers l’article: https://www.lesaffaires.com/dossier/emploi-en-genie/l-international-ca-se-cultive-/548119/5